« Il s'agit pour ainsi dire d'une opération à cœur ouvert. L'issue est encore incertaine. Mis à part une déchirure de l'aorte, le patient souffre de blessures graves au cerveau, au poumon, au périnée… Ses jours sont encore en danger. » Pendant toute la journée d'hier, des informations contradictoires ont circulé sur l'état de santé de Brice Taton, le supporter toulousain grièvement blessé lors d'une violente agression commise par des hooligans serbes, jeudi, à Belgrade, quelques heures avant le match Partizan de Belgrade/TFC . Mais cette dernière déclaration, hier soir, d'un représentant de l'hôpital de Belgrade fait froid dans le dos. Les plus vives inquiétudes peuvent être nourries sur l'état de santé de ce Toulousain âgé de 28 ans, marié, et père d'une petite fille.
Ce diagnostic, ainsi que les photos des blessés que nous publions, laisse clairement apparaître le déchaînement de sauvagerie subi par une quinzaine de supporters toulousains qui avait fait le déplacement. Vers 17 h 45, le petit groupe était paisiblement installé à la terrasse d'un bar du centre ville de Belgrade, l'Irish Pub. Les Français conversaient amicalement avec le patron du bar. Aucun maillot du TFC, aucun signe ostentatoire, aucune attitude véhémente ne les distinguait. Seule leur conversation en français les aurait mis en péril. Elle aurait été entendue par un hooligan des Partizans. Et quelques minutes plus tard, une vingtaine d'individus déchaînés ont assailli, par surprise, les Français à coups de batte de base ball, de chaînes de vélo et de torches fumigènes… « Ils étaient venus pour casser du Français. Cela a duré une minute », a indiqué un témoin qui décrit des « colosses » ultra-violents. « C'était une agression délibérée, Orange mécanique ! », a lâché l'ambassadeur de France à Belgrade, Jean-François Terral.
Brice Taton présenterait des coups de barre de fer au torse. Il aurait également été jeté du haut d'un escalier et fait une chute de 10 mètres. Deux autres supporters du TFC ont été évacués vers les urgences. L'un est sorti rapidement. Le second, Philippe Maury, hier matin. Il souffrirait notamment de brûlures. Un serveur de l'Irish Pub, qui s'est interposé, a également été blessé.
D'emblée, les blessures de Brice Taton étaient apparues graves. Il avait été placé dans le coma et sous respiration artificielle durant la nuit. Hier matin, les médecins se montraient optimistes. « Quand je l'ai vu, à midi, il était conscient et j'ai pu lui parler », indiquait l'ambassadeur. C'était avant une opération de trois heures réalisée par une équipe de médecins expérimentés.
« L'équipe professionnelle et le Toulouse football club dans son ensemble sont profondément bouleversés par l'agression dont ont été victimes des supporters du TFC, en marge du match Partizan de Belgrade/TFC », a réagi hier, dans un communiqué, le club. « Dès jeudi soir, le président du TFC après avoir échangé avec les supporters présents, a décidé pour servir l'enquête et épauler les supporters, d'immobiliser à Belgrade son directeur de la sécurité Régis Lecomte. Le TFC condamne très fermement ces agissements et se réjouit que la police serbe ait ouvert une enquête afin de retrouver les coupables de ces faits de violence inqualifiables. Particulièrement choqué, le TFC souhaite entourer plus que jamais de son attention le supporter gravement blessé et sa famille. »
De son côté, l'entraîneur, Alain Casanova, s'est déclaré « choqué » : « C'est vraiment tragique, c'est une véritable agression et c'est lamentable », a-t-il affirmé.
Pour ce déplacement, explique Régis Lecomte, joint hier matin à Belgrade, le club avait obtenu un bus et une escorte pour la trentaine de supporters présents. Le point de ralliement était l'hôtel des joueurs. « On ne s'attendait pas à une agression comme ça dans l'après-midi », déplore-t-il. La quinzaine de supporters agressés était arrivée une semaine plus tôt pour découvrir le pays. Proches des Indians qu'ils allaient rejoindre pour ce match, il s'agit d'amis unis autour de l'équipe de foot loisir Forza Viola. Un des blessés, sorti hier de l'hôpital, Philippe Maury, est l'ancien trésorier des Indians.
La gravité de l'agression subie par le petit groupe de supporters toulousains à Belgrade, et le phénomène récurrent des hooligans serbes ultraviolents, ont provoqué hier de nombreuses réactions jusqu'au plus haut sommet de l'État serbe. Le président serbe, Boris Tadic, a condamné ces « actes barbares et sauvages » perpétrés contre des « citoyens étrangers ».
« L'Etat doit tout faire pour arrêter ceux qui se sont rendus coupables de violences et les sanctionner aussi sévèrement que possible », a-t-il ajouté.
Le maire de Belgrade, Dragan Djilas, a appelé à la mobilisation face aux auteurs de violence.
Car cette agression met en lumière un problème crucial qui gangrène le foot et la société serbe. L'ambassadeur de France à Belgrade, Jean-François Terral, joint a souligné qu'il était en contact étroit avec les services de police serbes au sujet de l'enquête tout en dénonçant auprès des autorités du pays « le problème de ces bandes de hooligans violents qui gravitent en marge des deux clubs de la ville, le Partizan de Belgrade et l'Étoile rouge. »
En 2007, le Partizan de Belgrade avait été exclu de la coupe de l'UEFA après des incidents provoqués par certains de ses supporters à Mostar, en Bosnie. De son côté, l'Etoile rouge a fait parler d'elle cet été. Le 20 août, lors du tour préliminaire de la Champion's Ligue, à Prague, des supporters avaient vandalisé un restaurant et attaqué des touristes.
La Dépêche